A l'heure ou la réforme du droit de la responsabilité civile semble imminente, l'expansion de la matiere pose question. La crainte d'un enrayement de notre systeme invite a tout le moins a réfléchir aux moyens propres a contenir l'étendue du droit de la réparation. L'intéret protégé est parfois envisagé au titre de ces outils de rationalisation. Issu des droits étrangers, il suscite cependant autant d'enthousiasme que de méfiance en droit français.
Les réticences s'estompent lorsqu'on observe que l'intéret protégé pourrait constituer un instrument utile a la redéfinition des conditions de la responsabilité civile que sont la faute et le préjudice. Actuellement fuyantes, ces conditions ne permettent qu'un filtrage imparfait des demandes en réparation. La précision de leur signification, par référence a la notion d'intéret protégé, réhabiliterait la dimension sélective de telles exigences.
L'attrait de l'intéret protégé se révele également au stade de l'analyse du mode de structuration de la responsabilité civile. Aujourd'hui organisé autour de la summa divisio des responsabilités contractuelle et délictuelle, notre droit laisse progressivement place a la mise en oeuvre d'une protection différenciée des intérets. Assumée, repensée, cette hiérarchisation des intérets pourrait porter une rude concurrence a la distinction traditionnelle des ordres contractuel et délictuel, jusqu'a, peut-etre, la faire disparaître.